FIRMES
ABB: des employés volants sur les machines tournantes
(07/07/2005) Le géant helvético-suédois ABB doit justifier ces prochaines semaines les centaines de licenciements dans sa production de machines tournantes en France. Les employés en sursis veulent être entendus par la direction de Zurich

Gilles Labarthe / DATAS

Quand on parle d'économie, il faut aussi parler de "social". Et quand on veut licencier, de "plan social". C'est le point de vue que cherchent à faire entendre depuis le 17 mars 2005 les employés en sursis du site historique d'ABB de Champagne-sur-Seine. La direction du géant helvético-suédois de l'électrotechnique avait annoncé brutalement, à cette date, la fermeture définitive de l'usine produisant des machines tournantes (moteurs électriques et alternateurs). Cette fermeture signifiera la perte de leur emploi pour les 213 salariés, plus une cinquantaine d'employés chez les entreprises sous-traitantes. A Champagne-sur-Seine, cette décision d'ABB est d'autant plus mal reçue que la multinationale avait défini, puis approuvé une stratégie de développement du site en 2003 et 2004.

En mai dernier, les employés visés par les licenciements et leurs représentants s'étaient déjà rendus directement "au siège d'ABB à Zurich le jour de l'assemblée des actionnaires", nous rappelle Xavière Bourbonnaud, de l'intersyndicale des travailleurs. "Nous avions alors présenté un plan alternatif des salariés pour sauver l'usine". Les salariés ont été entendus. Le fait que M. Juhia Siilvennoinen, directeur de l'activité machines tournantes d'ABB, se soit déplacé ce mardi 5 juillet pour une rencontre avec le Comité central d'entreprise, au siège de Villeurbanne, est interprété comme "un signe positif" de la part de l'intersyndicale.

La vigilance reste de mise. A l'ordre du jour ces prochaines semaines: les justifications économiques avancées par la firme pour la liquidation pure et simple de ses activités en Seine-et-Marne - une région qui traverse une vague de plans sociaux, malgré les promesses de retour à l'emploi faites par le nouveau gouvernement Villepin. Côté arguments, ABB invoque une "rentabilité moindre sur le site de Champagne-sur-Seine" par rapport aux trois principales filiales du groupe en Europe, à Helsinki (Finlande), Västeras (Suède) et Vittuone (Italie).

"ABB a invoqué un excès de sites de production dans l'Ouest de l'Europe. On sait par ailleurs que le groupe délocalise en Estonie et ouvre des usines en Chine et en Inde. Les salariés français sont prêts à retourner à Zurich si besoin", résume Xavière Bourbonnaud. La CGT et Force ouvrière dénoncent "la conséquence directe d'une gestion désastreuse menée par la direction produit d'ABB Monde et par la direction d'ABB France qui isolent le site de Champagne depuis 2004 et, surtout, le maintiennent en sous-activité".

ABB, l'un des leaders mondiaux des technologies de l'énergie et de l'automation (110'000 salariés dans le monde, dont 3'200 en France) avait racheté l'usine de Champagne-sur-Seine en 1989. "Depuis deux ans, le groupe paie cher sa politique d'acquisitions et doit faire face à une situation financière difficile", expliquent des spécialistes. Véritable bol d'air, ABB vient de recevoir une nouvelle facilité de crédit à hauteur de 2 milliards de dollars auprès d'un pool de 20 banques. Mais, coté en bourse, sa politique de licenciements massifs et de délocalisation ne plaît pas toujours à ses actionnaires. Déjà mise à mal aux Etats-Unis pour son utilisation de l'amiante, l'entreprise vient aussi d'annoncer le licenciement de 1'300 employés dans le secteur de la production de transformateurs, principalement au Canada et en Australie.