ECONOMIE
USA : Publication du recensement de la pauvreté en 2004
Le 30 août, le Bureau du recensement à Washington rendait public son Rapport annuel sur la pauvreté. Contrairement à la période 1993-2000, toutes les années Bush ont vu une augmentation de la précarité. Retour sur l’étendue du quart-monde étasunien

Philippe de Rougemont / DATAS

Malgré le fait qu’on soit dans le pays le plus riche du monde, aux USA la richesse côtoie la pauvreté. Ce que l’on sait moins, c’est que les Etats-uniens s’appauvrissent d’année en année. Les derniers chiffres du Bureau du recensement fédéral, dans son rapport annuel publié mardi (1), indique que la pauvreté entame sa quatrième année de croissance, après 7 années de diminutions consécutives de 1993 à 2000. Selon le recensement, 1.1 million de personnes ont rejoint les rangs des 37 millions de pauvres entre 2003 et 2004, gagnant moins de 16500 dollars par an. Mais au-delà des statistiques, que représente pratiquement la pauvreté aux Etats-Unis ?

Dépression, marginalité et espérance de vie
Selon Richard Wilkinson, épidémiologiste et expert en santé publique comparée à l’université de Nottingham (GB), l’espérance de vie aux USA est la plus basse de tous les pays développés, les habitants de Harlem (New York) vivant dorénavant moins longtemps que les Bengalis. « Les pauvres que je visite sont la plupart en dépression nerveuse» nous raconte pour sa part Nancy Mc Cradie, militante de l’association Homes On Wheels, qui va vers les plus pauvres qu’elle, dans la riche agglomération de Santa Barbara. On y trouve pas que des millionnaires. « Il y a 23 ans j’ai compris que je ne pourrai pas nourrir mon fils seule et payer un loyer en même temps, depuis je vis dans un mobile-home ». Elle gagne maintenant 1500$ par mois en livrant des journaux la nuit, mais quand elle ne pourra plus travailler, elle devra survivre avec 700 dollars de rente par mois. Dans ces conditions on ne prend pas de retraite. Et comment avoir accès a des soins médicaux, lorsqu’on a ni argent, ni assurance ? Difficile de défendre ses droits lorsque l’estime de soi est au plancher. La pauvreté vécue par Nancy Mc Cradie est typique des difficultés rencontrées par des millions de gens à travers les 50 états unis.

La pauvreté banalisée
Les chiffres du Bureau du recensement n’ont occasionné que peu de commentaires dans les médias ou parmi les élus. Seuls les pauvres et ceux qui ont des objections morales se mobilisent, mais sans influence politique réelle. « 800'000 personnes perdent leur couverture médicale, c’est pas beaucoup sur une population de 295 millions » nous disait posément M. Gary Burtless, économiste du Brookings institute un institut de recherche qui penche pourtant à gauche. C’est ce qui fait la particularité américaine face a la pauvreté. On rencontre après quelque temps passés auprès des Etats-Uniens une acceptation résignée de la pauvreté. Le rêve américain, soit de réussir dans une entreprise économique et faire fortune par la force de son propre travail est doublé d’un « pari américain » : en ne venant pas ou peu en aide aux démunis, on enverrait un bon signal pour que les pauvres s’en sortent par eux-mêmes. Mais les chiffres du Census Bureau sont tétus.

(1) « 2004 Income, poverty and health insurance ». www.census.gov


ENCADRE

Répartition de la pauvreté
La pauvreté, comme la richesse, est inégalement répartie selon que l’on est Afro-Américain, mère célibataire ou encore enfant. Ainsi en comparaison du taux national de 12,7% de pauvres, les enfants (17,7%), et les mères seules (30.5%) sont surreprésentés. Les Afro-américains ont un revenu annuel moyen un tiers plus bas que la moyenne totale de la population.

Répartition de la richesse
Selon Gary Burtless, les 5% les plus riches ont vu leur revenu déclaré augmenter, pendant que les 95% restants voyaient leur revenu baisser. Cette tendance a commencé il y a plusieurs décennies, pour atteindre un sommet en 2003: Les 20% des ménages les plus pauvres aux Etats ont alors reçu 3,4% du revenu national, alors que les 20% des ménages les plus riches recevaient 49,8% des revenus.

Suisse
Ramenés aux proportions de la population Suisse, les chiffres étasuniens équivaudrait à ce que 19'300 personnes perdraient leur couverture maladie/accidents dans notre pays en 2004, amenant a 1, 06 millions le nombre d’habitants en Suisse dépourvus d’assurance médicale. Le seuil de pauvreté en Suisse est de 4’550 francs pour une couple avec deux enfants. En Suisse, la population pauvre oscille entre 11 et 14% depuis une douzaine d’années.

Philippe de Rougemont, Montréal / DATAS