SOCIÉTÉ
USA : hausse du pétrole, fin de la banlieue?
Maison individuelle en périphérie, jardin, garage… c’est le cadre rêvé – et accessible - de la classe moyenne américaine. Comment va-t-elle réagir à la flambée du brut, nouvelle menace sur son mode de vie ? Entretien avec Peter Calthorpe, urbaniste et auteur de " Collectivités durables "

Philippe de Rougemont / DATAS

La flambée des prix du pétrole aux Etats-Unis commence à susciter de sérieuses questions chez les Etats-uniens. Selon l’urbaniste James Howard Kunstler, auteur de “ La ville à l’esprit : Notes sur la condition urbaine ”, le pétrole à bas coût a maintenu pendant un siècle une rassurante “ bulle de prospérité artificielle ”. Tout le mode de vie économique et social est devenu entre-temps intimement lié à cet approvisionnement continu d’essence à bas prix. Le fameux rêve américain de prospérité s’est réalisé pour la majorité des habitants des USA de classe moyenne: maison individuelle en périphérie, jardin, garage avec au moins une voiture. Et un maillage dense de routes pour les relier aux lieux de travail, écoles et autres centres commerciaux géants. Or, selon Kunstler, avec chaque hausse du prix de l’essence, cette prospérité tire vers sa fin, emportant au passage le rêve américain tel qu’on l’a connu au siècle passé. Jusqu’en novembre 2004, le litre d’essence s’achetait à 70 centimes le litre. Aujourd’hui le coût frise le franc.

L’avenir de la banlieue : la ville
Si la banlieue est issue de l’ère de l’automobile, quel sera l’urbanisme de la société post-pétrole ? Peter Calthorpe tente de répondre à cette question. Auteur de “ La prochaine Métropole : Ecologie, communauté et rêve américain ”, Calthorpe se définit comme un “ designer urbaniste ”. C’est dans l’aménagement du territoire qu’il voit la clef pour survivre à la fin du pétrole bon marché. La solution: densifier l’habitat des banlieues et développer les transports publics urbains, régionaux et nationaux. L’objectif recherché ? Réduire la consommation de mazout (chauffage) et de carburant (transports). En somme, il faudra d'abord éduquer les Américains aux principes de l'écologie, puis les convaincre que, après l’abandon il y a 50 ans des centres urbains pour les banlieues, le nouvel Eldorado serait à nouveau la ville.
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Nouvelles villes, nouveau mode de vie
Le problème, c'est que les Américains d'aujourd'hui continuent à concevoir leur mode de vie en zone villas comme un dû. C’est ce que souligne Kunstler, dans son dernier livre “ La longue urgence ”. Le réveil sera brutal, c’est les certitudes et tout un mode de vie qui s’effondre pour la classe moyenne, et le lent travail d'adaptation qui commence. Les transports publics ? Il n’y en a pas, ou très peu. Les économies d’énergie dans l’habitat ? Hormis pour les Etats de la Nouvelle-Angleterre, les maisons ne sont pas isolées pour l’hiver. Et en été, l’air conditionné est omniprésent. Les étasuniens sont-ils prêts à se défaire de leurs logements isolés et de leurs transports individuels ? A basculer vers les transports en commun, l’habitat en immeubles et la frugalité ? Tout cela fera beaucoup de sacrifices.

ENCADRE

Vers une hausse continue ?
Le 5 octobre aura lieu a New-York la Conférence Pétro-collapse (traduire "la fin du pétrole"). L'événement rassemblera des géologues, des consultants en énergie, des courtiers et des membres du Congrès pour un nouvel urbanisme, organisation créée par Peter Calthorpe. L’objectif ? Clarifier le rôle du marché pour atténuer les effets de la pénurie de pétrole. Selon l’organisateur de l’événement, Jan Lundberg, analyste pétrolier à la retraite ” le pic de production de pétrole, c’est maintenant ”. Comme le clame tout un courrant de pensée depuis le début des années 70, les années 2000 seront marquées par une diminution de l’offre globale, pendant que la demande continuera à croître. Mais ce n’est pas que le pétrole qui risque d'augmenter. “ La croissance de l’économie finit lorsque l’approvisionnement de pétrole est limité ” insiste Lundberg. Résultat de l'équation: ” Quand le marché sentira l’écart grandissant entre l’approvisionnement et la demande, les prix à la pompe crèveront le plafond ”. Et tous les autres prix avec.

Philippe de Rougemont, Montréal / DATAS