SUISSE
Privatisation des transports: Connex sur la bonne voie
(29/11/2005) L'arrivée en Suisse romande de Connex suscite des inquiétudes pour l'avenir des transports publics. En quelques mois, la filiale de la multinationale française Veolia Environnement a repris la sous-traitance des bus genevois. A terme, elle vise aussi le rail
Gilles Labarthe / DATAS
Inscrite depuis décembre 2004 au registre du commerce à Genève, Connex Suisse SA n'a pas perdu son temps. Les buts de cette nouvelle entité du géant français Veolia Environnement? "Prise de participations dans des entreprises pour le transport de personnes ou de marchandises, activités commerciales s'y rapportant". Trois mois plus tard, Connex rachetait la société Dupraz Bus pour la sous-traitance des TPG (Transports publics genevois). Genève ne devrait être qu'une première étape dans l'expansion romande de la multinationale française, de l'avis d'observateurs en France.
Au siège des Transports publics fribourgeois (TPF), le porte-parole Claude Barraz souligne que la sous-traitance des TPF pour la route concerne les entreprises Rossier, pour la région, et Roch, du côté de Romont. Pas de reprises éventuelles à signaler dans ce secteur pour l'instant, mais Claude Barraz suit l'évolution de la filiale française à Genève. "Les TPF ont reçu des représentants de Connex il y a quatre ans". Une simple prise de contact, sans plus.
Véritable poids lourd européen, Connex surfe sur la vague de privatisations de services publics dictées par l'Union européenne et l'OMC. "La division Transport de Veolia Environnement est présente dans 25 pays et emploie 61'000 collaborateurs. Connex a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de 3,6 milliards d'euros. La société exploite 27'000 véhicules routiers et ferroviaires et transporte plus de 2 milliards de voyageurs par an", vante un responsable de l'entreprise en France.
Connex s'intéresse aussi au rail - et notamment, à l'avenir des Chemins de fer fédéraux. En Suisse, la voie lui a été préparée en haut lieu: depuis trois ans, Benedikt Weibel, Président de la Direction des CFF, mentionne le nom de Connex comme partenaire économique de première classe pour pallier aux carences d'un service national certes ponctuel, mais de dimension modeste et en panne de compétitivité sur le plan européen. "Concrètement, l’entrée de Connex sur le marché suisse par le biais d’une entreprise de transports concessionnaire doit-elle être facilitée? Le monde politique devrait répondre clairement à cette question", interpellait le directeur des CFF en août 2003 dans une communication intitulée "Dix thèses sur l’avenir du paysage ferroviaire suisse".
Quelles sont les thèses de Benedikt Weibel? Thèse numéro 1: "Le marché est européen. Cela vaut pour le trafic marchandises et pour le trafic voyageurs, qu’il soit international ou régional. L’objectif de la Commission européenne est de rendre obligatoires les appels d’offres, ce qui devrait nécessairement créer une situation de concurrence. La Suisse ne pourra pas s’y soustraire". Thèse numéro 2: "Le marché est attrayant. Grâce à une ouverture accrue, il le sera encore plus". Précision de Benedikt Weibel: "En règle générale, l’entrée sur un nouveau marché se fait par le biais d’une prise de participation dans des entreprises de transport déjà implantées". C'est effectivement ce qui se passe aujourd'hui avec Connex en Suisse.
Le rail suivra, en commençant par le trafic de marchandises. Deux ans après l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international en 2003 voulue par l'Union européenne, Connex a été le premier opérateur privé à faire circuler un train de marchandises sur le réseau ferré français, concurrençant ainsi la SNCF. Depuis, Connex a aussi remporté des contrats de fret ferroviaire en Hollande, en Belgique, mais aussi entre l'Allemagne et la France. Bientôt cernée, la Suisse? Plusieurs responsables de transports publics régionaux estiment que face à la concurrence étrangère, la stratégie du directeur des CFF n'est "pas claire": on l'a vu hostile à une privatisation du rail "à l'anglaise", mais aussi aux dépenses des CFF pour assurer en Suisse les régions périphériques.
Chez Connex, on se veut rassurant. On parle plutôt d'écologie: "Connex saisit l'opportunité offerte de la libéralisation du secteur ferroviaire pour développer cette activité et répond ainsi à la politique de la Communauté européenne en faveur du mode ferroviaire, véritable service à l'environnement", conclut le directeur général Stéphane Richard.
Gilles Labarthe / DATAS
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