MONDE
"Pétrole contre nourriture": une firme suisse plaide coupable
(27/05/2006) Devant un tribunal du Texas, Trafigura a reconnu jeudi avoir violé la loi fédérale américaine et l'embargo des Nations unies dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture". Le trader basé à Lucerne payera une amende de 20 millions de dollars

Gilles Labarthe / DATAS

Il y a eu des ventes de brut irakien effectuées dans les règles, c'est-à-dire dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture" fixé dès 1991 par les Nations unies après la guerre du Golfe. En marge, il y a eu les autres. Actuellement en comparution devant un tribunal du Texas, la compagnie suisse Trafigura - l'un des plus importants traders de pétrole du monde - a reconnu jeudi avoir violé la loi fédérale américaine et l'embargo onusien imposé sur l'ancien gouvernement de Saddam Hussein. C'est une enquête menée par l' U.S. Immigration and Customs Enforcement qui a révélé que sur certaines transactions menées par Trafigura après 1991, les bénéfices retirés de la vente de pétrole allaient non pas au programme d'aide humanitaire de l'ONU destiné au peuple irakien, mais bien dans des caisses privées. Des responsables de la compagnie basée à Lucerne viennent de l'admettre: Trafigura a induit en erreur ses partenaires étasuniens du secteur de l'énergie en prétendant que plus de 500'000 barils de brut importés d'Irak avaient été obtenus en accord avec le programme "pétrole contre nourriture", informe une dépêche d'Associated press. Les ventes frauduleuses ont eu lieu à deux reprises en 2001, à côté d'autres livraisons de brut plus importantes qui faisaient partie du programme onusien. La compagnie, créée par des anciens de Glencore, les Français Claude Dauphin et Alain de Turckeim, a plaidé coupable cette semaine et accepté de payer deux fois 9,9 millions de dollars, la première tranche correspondant aux profits retirés de ces ventes, la seconde à titre de pénalité. La Suisse se retrouve à nouveau pointée du doigt par la presse économique anglo-saxonne dans cette affaire: pas moins de onze firmes suisses avaient été accusées de détournement de brut irakien. Basée à Zoug, le trader Glencore, fondé par l'homme d'affaires d'origine américaine Marc Rich, avait finalement accepté de rembourser 3 millions de dollars, montant de profits réalisés pour une opération de détournement similaire. Toujours en Suisse, et toujours fondée par des anciens de Glencore, la firme Masefield Group a elle aussi été mentionnée. Les opérations de Trafigura ont été détaillés dans le rapport du 27 octobre 2005 de la Commission d'enquête indépendante sur le programme "pétrole contre nourriture", menée par l'ancien directeur de la Federal Reserve, Paul Volcker.