ECONOMIE
USA : « Apollo 2 », pour se libérer du pétrole
Renverser la dépendance envers le pétrole et créer 3 millions d’emplois durables dans les économies d’énergie et les renouvelables: c’est l’ambition de la coalition Apollo, appuyée par des élus, les principaux syndicats étasuniens et des organisations écologistes. Gros plan sur des étasuniens déterminés à rassembler 300 milliards de dollars

Philippe de Rougemont / DATAS

300 milliards de dollars par année, c’est le coût de la dépendance des Etats-Unis envers l’importation de pétrole, selon la Fondation du Conseil de défense nationale à Washington. En rajoutant le coût de la guerre en Irak, compté aussi en centaines de milliards de dollars, la facture pétrolière commence à peser lourdement. 58 pour-cent des personnes interrogées dans un sondage du quotidien USA Today disent que leur niveau de vie est affecté par les hausses répétées du coût du pétrole. De quoi rajouter de l’eau au moulin des écologistes qui réclament depuis 3 décennies de dépasser l’ère du pétrole. Aujourd’hui les organisations écologistes Sierra Club (2.7 millions de membres) et Greenpeace, ainsi que tous les syndicats états-uniens soutiennent l’Alliance Apollo. L’objectif de ce lobby basé à Washington est de se débarrasser en 10 ans de la dépendance envers le pétrole, en se référant aux grands projets industriels qui ont marqué l’histoire de ce pays. En 1962 le président Kennedy lançait son vibrant appel pour le projet Apollo : poser des hommes sur la lune en moins de 10 ans. « Aujourd’hui l’Amérique a un projet Apollo pour le XXIe siècle », nous dit la directrice exécutive de l'Alliance, Bracken Hendricks. Son ambition est de libérer l’Amérique de sa dépendance envers le pétrole. Avec un plan, qui selon Hendricks doit être à l’image de l’appel de 1962 « big bold and fast » - grand, intrépide et rapide. L’enjeu est de taille : bâtir une économie tournée vers les renouvelables et rattraper le retard pris sur les Européens. 90 pour-cent de l’industrie éolienne par exemple est en mains européennes. Que fait cette alliance ? Elle met des idées en compétition et assure leur promotion auprès des décideurs dans les ONG, les syndicats et les élus. Les priorités ? Des projets d’incitations fiscales pour des véhicules hybrides, la production et la distribution de bio-carburants provenant de déchets agricoles et ménagers, le développement des renouvelables et la conversion du charbon en gaz liquide. John Kerry a ardemment défendu l’indépendance énergétique pendant la campagne présidentielle de l’automne passé, sans que la majorité des voix ne se rallient a son projet. Le courant post-pétrole est-il condamné à la marginalité ? Pas sûr. « Développer et introduire de nouveaux modes de transports plus propres et moins économiquement destructeurs devrait devenir notre priorité de sécurité nationale... des millions d’emplois seraient aussi générés » Est-ce une ONG écologiste qui s’exprime ainsi ? Un syndicat ? Non, c’est ce qu’affirme la plate-forme de « Libérez l’Amérique » (Set America Free), une alliance de conservateurs en faveur d’un basculement vers l’indépendance énergétique. Soutenue activement par James Woolsey, ancien directeur de la CIA, des officiers, des élus républicains et des évangélistes. La coalition ambitionne de mettre la question de l’indépendance énergétique en haut de l’agenda politique fédéral, à la place du débat enlisé sur la privatisation de la Sécurité sociale. Les candidats Démocrates potentiels à l’élection présidentielle de 2008 ambitionnent tous, selon Hendricks, de réaliser l’indépendance énergétique du pays. Et les Républicains sont désormais divisés sur la question. Les Européens doivent-ils se préparer à réviser leur anti-américanisme ?