MONDE
Elections au Yémen: une campagne qui mobilise les femmes
(20/09/2006) Les élections présidentielles yéménites ont lieu aujourd'hui au terme d'une campagne qui, pour la première fois depuis 1977, a révélé de véritables adversaires au président Saleh. Les Yéménites se rendent également aux urnes pour élire leurs conseils municipaux. 186 femmes se présentent, soit moins de 1% des candidats. Leur mobilisation n'a pourtant pas faibli

Ségolène Samouiller / DATAS

" La mobilisation des femmes est le grand vainqueur de cette campagne". Avant même les résultats des élections municipales au Yémen, qui ont lieu aujourd’hui en même temps que les présidentielles, Rashida al Hamadani refuse de se laisser abattre par les espoirs déçus de voir respecter un quota de 15% de femmes sur les listes électorales des partis. Cette candidate indépendante qui se présente dans le gouvernorat de Sanaa a fait de la défense du droit des femmes le thème de sa campagne. Aux premiers rangs des manifestantes qui se sont rendues au Palais présidentiel en août pour protester contre les promesses non tenues des partis, Rashida al Hamadani veut avant tout se réjouir de la prise de conscience des électeurs. " Le thème des femmes était très présent tout au long de la campagne. Non seulement les femmes comprennent l’importance d’être représentées, mais parmi les hommes, les jeunes montrent de plus en plus de soutien pour notre participation politique ".

Pour Raufa Hassan, candidate aux élections législatives de 1993, il y a moins lieu de se réjouir. " Les partis politiques répètent la même chose depuis plus de 10 ans : le pays n’est pas prêt à élire et être dirigé par des femmes". Raufa Hassan s’est s’engagée dans cette campagne avec l’organisation al Watan, dont l’objectif était l’élection de mille femmes. Elle est révoltée par l’instrumentalisation que les partis font des traditions et de la religion : "le taux d’analphabétisme est très important au Yémen. Les politiques utilisent l’ignorance de la population pour justifier leur frilosité politique et leur incapacité à partager le pouvoir avec les femmes. Pourtant l’histoire du Yémen a été marquée par de grandes figures féminines, telles que la reine de Saba ou la reine Arwa…".

Avec des droits politiques acquis depuis le début des années 1970, des femmes élues au parlement, un pourcentage d’électrices comparable à celui des hommes et deux femmes dans le gouvernement actuel, le Yémen n’est pourtant pas un " mauvais élève " à l’école de la démocratie paritaire. Mais dans un pays où 65% de femmes sont analphabètes, où la division des rôles entre les sexes est encore très marquée et où elles ont peu d’expérience de la politique, les femmes se battent avec des ressources limitées pour s’imposer dans un paysage politique tribal et patriarcal. Dès le mois de mars, elles ont ainsi mené une campagne pour imposer le quota de 15% qui semblait être le passage obligé vers leur représentation politique.

Tiraillés entre le besoin de séduire l’électorat féminin et les réticences internes de ses membres, le partis n’ont pas respecté ce quota et moins de 1% des femmes sont représentées sur leur liste aujourd’hui : " ils se sont contentés de présenter, ça et là, une femme alibi dans des municipalités où ils n’avaient aucune chance de gagner ", proteste Raufa Hassan. De nombreuses femmes se sont alors inscrites en indépendantes, comme Rashida al Hamadani. Elles ont mis beaucoup d’espoir dans le vent de mobilisation qui traverse cette campagne, le soutien affiché du pouvoir et l’aide concrète d’organisations locales et internationales. Mais la promesse du Président Saleh de retirer les candidats de son parti partout où des femmes se présentaient comme indépendantes s’est depuis ajoutée à la liste des espoirs avortés.