ECONOMIE
Vent contraire pour les multinationales anglo-saxonnes de l’or
(17/10/2006) Asie Centrale: Newmont Mining Corporation, Oxus Gold et Cameco subissent des revers dans les anciennes Républiques socialistes soviétiques. Ces firmes devaient participer à la relance de l’économie nationale. Elles ont surtout pollué la région et servi leurs propres intérêts, accusent des ONG et des gouverneurs locaux

Gilles Labarthe / DATAS

Newmont Mining Corporation, deuxième plus grand producteur d'or au monde basé à Denver (USA), vient de subir un revers cuisant avec la décision récente d’un tribunal ouzbek. La société d’extraction minière Zarafshan-Newmont a trois mois pour cesser son activité, explique une agence de presse pro-gouvernementale Press-Uz.info. La procédure de mise en faillite de cette co-entreprise, présentée il y a dix ans comme un exemple de coopération entre ce pays de l'ex-URSS et les Etats-Unis, a été lancée en août à la requête du service des impôts, qui réclame quelque 48 millions de dollars d’arriérés d’impôts et d’amendes.

La société exploitait un grand gisement d’or à ciel ouvert dans le désert de Kyzylkoum, à 400 kilomètres à l’ouest de Tachkent. Elle peut fermer boutique et passer la main. Tandis que le groupe Newmont crie à l’expropriation, le gouvernement ouzbek rappelle qu’il a supprimé un décret entré en vigueur le 1er juin 2006 concernant les exemptions fiscales et douanières accordées à 34 entreprises étrangères - dont Nestlé.

Le secteur très lucratif de l’extraction aurifère semble particulièrement touché par ce genre de décisions, qui risque de faire école dans les ex-Républiques socialistes soviétiques d’Asie centrale, s’inquiètent des économistes. Le climat désormais hostile réservé aux multinationales anglo-saxonnes ne serait pas que le résultat d’une détérioration générale des relations politiques entre Tashkent et les pays occidentaux.

Si la multinationale Oxus Gold, basée à Londres, vient de se faire moucher un important contrat minier ouzbek dans la réserve de Khandiza, au sud-est du pays, elle a aussi perdu en 2004 sa licence d’exploitation pour un projet au nord-ouest du Kirghizstan. Sur accord du gouverneur régional, " les autorités kirghizes ont saisi les biens et usines et de la compagnie et y ont placé des gardes de sécurité de la compagnie minière nationale, Kirghizaltyn ", rapportait début septembre le magazine spécialisé Mineweb.

Toujours au Kirghizstan, une enquête parlementaire veut mettre un terme à la privatisation de la mine d’or de Kumtor, dont l’extraction aurifère équivaut à 10% du PNB. Cette fois, c’est une entreprise canadienne qui restera sur la touche. " Le Canada est le plus gros investisseur individuel au Kirghizstan, et les 500 millions de dollars investis par Cameco (leader mondial dans l’extraction d’uranium, ndlr) / Centerra dans la mine d'or de Kumtor est l'un des plus gros investissement individuel en Asie Centrale. La mine d'or de Kumtor représente à elle seule près de 40% des investissements étrangers ", se félicitait le Département des affaires étrangères du Canada.

La réputation de la multinationale a perdu de son éclat lorsqu’en mai 1998, le rejet d’environ deux tonnes de cyanide et de sodium hypochloride a empoisonné la région de Barskoon, causant plusieurs morts et des centaines de personnes intoxiquées, rappelle Bretton Woods Project, plate-forme anglaise rassemblant des critiques à l’encontre du FMI et de la Banque mondiale. D’autres accidents ont suivi.

(encadré)
Retour vers des capitaux russes
Pour l’ONG canadienne Mining Watch, les firmes minières anglo-saxonnes paient aujourd’hui le prix de leur présence trop agressive en Asie centrale, axée sur le profit à court terme, sans tenir compte de l’environnement, de leur apport à l’économie du pays ni des conditions de vie des travailleurs locaux. Des accusations qui servent à merveille les ambitions de nouveaux venus sur la scène internationale, comme Eurasia Gold, multinationale minière du Kazakhstan qui contrôle déjà des exploitations aurifères dans trois pays d’Asie centrale, avec le Kirghizstan et le Tadjikistan. " On est dans une phase de remise en doute de tous les accords de partenariat conclus il y a quelques années par les entreprises occidentales avec des appuis politiques locaux et le soutien de notables des administrations nationales ", analyse à Genève Luigi de Martino, chercheur sur l’Asie centrale basé entre autres à l’IUED. Pour des questions d’orientation politique, comme en Ouzbékistan, ou dans une perspective plus large de recherche d’autres partenaires économiques, les anciennes Républiques socialistes soviétiques se tournent à nouveau, et de plus en plus, vers les capitaux russes. Mais aussi, ves l’Inde ou la Chine, proches voisins.

Gilles Labarthe / DATAS