SAVOIRS
Un premier guide pour consommer des poissons « durables »
(Bruxelles, 08/05/2008) La surpêche industrielle affecte déjà les trois quarts des espèces marines de la planète. Comment distinguer à l’achat ou dans nos assiettes les produits de consommation les plus « durables », et vraiment riches en valeur nutritive ? Le premier Guide pratique des espèces offre un état des lieux, sur la base d'études chiffrées conecrnant les principales espèces consommées en France, en Belgique et en Suisse. Plongée dans la grande fragilité des ressources marines

Gilles Labarthe / DATAS

La grande distribution joue un rôle dominant dans la vente des produits aquatiques frais. C’est princiaplement elle qui importe et commercialise à tour de bras des espèces victimes de surpêche industrielle… surpêche qui affecte déjà les trois quarts des espèces marines de la planète. Un exemple près de nous, en Atlantique Nord-Est: près de 80 % des stocks sont surexploités et plus de 15 % sont épuisés. Les perspectives de croissance sont bien minces. Que faire pour prévenir l'hécatombe?

D’abord, informer. En 164 pages, le premier Guide pratique des espèces vient d’être publié par l’Alliance Produits de la mer, ONG internationale qui fait un travail de sensibilisation sur la grande fragilité des réserves aquatique. Ce nouveau guide propose un état des lieux réalisé à partir des données scientifiques disponibles, sur les principales espèces consommées et les habitudes alimentaires dans trois pays - dont la Suisse. Il aide les professionnels, comme les particuliers, à faire des choix responsables concernant les produits issus de la mer. Anchois, anguille, bar, baudroie, cabillaud… 60 « fiches espèces » sont présentées, avec les principales questions à poser à son fournisseur. On y découvre aussi des entretiens avec des professionnels de la filière.

Une initiative bienvenue, d'autant que l'aquaculture se développe à grande vitesse pour répondre aux besoins croissants des populations en produits de la mer et en protéines aquatiques de qualité. En France - second plus grand marché européen des produits aquatiques après l’Espagne, avec une consommation annuelle totale dépassant les 2 millions de tonnes - le lancement du guide a déjà été salué par une responsable des affaires sociales et environnementales du groupe Carrefour.

Question choix de consommation, la Suisse est bien notée par l’Alliance Produits de la mer : « Les Suisses sont les premiers consommateurs au monde de produits biologiques et parmi les premiers acheteurs de produits de pêche écolabellisés. En 2008, les consommateurs suisses ont le choix parmi 85 produits écolabellisés MSC (Marine Stewardship Council, fondé en 1996 par le WWF, Unilever et d’autres acteurs dans le but de réagir contre le phénomène de la surpêche des mers). Ils sont parmi les plus soucieux des conditions de pêche et d’élevage. Ce sont aussi de petits mangeurs de produits aquatiques, avec quelque 15 kg par habitant et par an ».

Les Suisses romands seraient les plus friands de produits de la mer : ils ingurgitent environ 60 % de la consommation nationale. Côté distributeurs, il reste encore un effort à faire : environ un tiers de poissons et de fruits de mer offerts en Suisse proviennent de la surpêche, selon une analyse récente effectuée par les trois organisations écologiques Friend of the Sea, OceanCare et Fair-fish, basée sur des données transmises par Migros, Coop, Manor, Denner, Aldi et Volg, McDonald's et Mövenpick.

Fabienne Leroy, de l’Alliance Produits de la mer, nous dit ne « pas avoir encore eu pour le moment » de réaction sur la sortie de ce nouveau Guide de la part des grands distributeurs, mais rappelle que « Migros et Coop sont déjà engagés dans la démarche d'approvisionnement en produits de la mer durables ». En octobre dernier, Manor avait de son côté annoncé vouloir modifier, d'ici à fin 2008, ses assortiments afin que tous les poissons soient issus d'élevages ou de «pêche durable», établissant un partenariat avec l'organisation Friend of the Sea.

La concurrence des labels sur la pêche « responsable » a commencé (voir encadré). En attendant d’y voir plus clair, on pourra toujours suivre quelques conseils : se renseigner sur la taille de maturité des poissons, pour donner sa préférence aux individus ayant déjà eu une chance de se reproduire; être sensible aux périodes de (re-) production; respecter les calendriers de consommation; préférer le bar, le maquereau et la sardine, disponibles en abondance, à des espèces menacées par la pêche intensive (cabiullaud, flétan, pagre commun, haddock, thon rouge, esturgeon…) ; et pour vos achats de crevettes d’élevage, demandez des informations sur les conditions de production à votre fournisseur: le bilan écologique est catastrophique dans certaines régions…

Gilles Labarthe/ DATAS

Lien Internet: www.seafoodchoices.org

(encadré)
La pêche aux labels
Comment s’y retrouver face à l’éclosion actuelle des labels « poissons durables » ? MSC possède le procesus de certification le plus reconnu et le plus ancien, mais il a fait l’objet de critiques au dernier : il n’inclut pas de critères quant à la responsabilité sociale, ni à la « facture écologique » causée par les distances des points d’approvisionnement. Friends of the sea, basé en Italie, a lui aussi été pointé du doigt lors des dernières conférences internationales sur l’aquaculture pour la trop grande souplesse de ses critères de certification. Quant à l’initiative de la société Fair-fish trade, basée à Winterthur et soutenue justement par Friends of the sea, c’est la plus récente (2006). Son triple engagement de protection des animaux, durabilité et commerce équitable est a priori louable, mais pose la question de la distance du lieux d’approvisionnement : faire venir en Suisse les poissons des côtes sénégalaises, est-ce écologiquement plus responsable en termes d'énergie consommée (pour garantir la chaîne du froid) et de transport, donc de pollution ?

Gilles Labarthe/ DATAS