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MONDE
SÉNÉGAL: après les émeutes dans la région aurifère de Kédougou
(Dakar, 05/01/2009, IRIN) - Les efforts fournis pour tenter de ramener le calme à Kédougou, dans le sud-est du Sénégal, semblent porter leurs fruits : des dizaines de personnes, qui avaient fui la ville pour échapper à des émeutes liées aux conditions de vie, ont commencé à rentrer
IRIN, article retransmis par / DATAS
Plusieurs dizaines de jeunes se sont cachés pendant plusieurs jours dans la brousse, non loin de la ville de Kédougou, située au sud-est du Sénégal, pour fuir ces émeutes déclenchées le 23 décembre et les arrestations massives menées par la police, d’après les résidents.
« De très nombreux jeunes se [sont cachés] dans la brousse, où ils [vivaient] et [dormaient] sous les arbres », a affirmé un habitant de Kédougou, souhaitant conserver l'anonymat, qui a passé deux jours parmi les déplacés. « Ils [avaient] peur de revenir. »
D'après les déclarations de la RADDHO, un groupe de défense des droits de l'homme basé au Sénégal, les forces de sécurité ont arrêté à tort et « torturé » des citoyens après la montée en violence des protestations contre les conditions de vie déplorables dans cette région aurifère.
Dans un communiqué daté du 28 décembre, la RADDHO a affirmé que les troubles agitant Kédougou, située à quelque 700 kilomètres de Dakar, la capitale, sont le reflet des problèmes rencontrés dans la plupart des régions africaines riches en minerai. « Tout le monde sait qu’en Afrique, les ressources minières deviennent … des menaces pour la paix et la sécurité ».
La RADDHO a appelé à une concertation réunissant les autorités, les partis politiques, la société civile et les sociétés d'exploitation minière afin de faire en sorte que les résidents locaux bénéficient eux aussi des ressources.
Le 23 décembre, des jeunes ont manifesté dans les rues de Kédougou, la première ville de la région du même nom, pour dénoncer ce qui, aux yeux des résidents, constitue des doléances de longue date. Les habitants ont expliqué à IRIN que la population de Kédougou est marginalisée par le gouvernement, et que les jeunes sont systématiquement écartés des emplois liés aux opérations d’extraction de l’or.
D’après des témoins, lorsque la violence a gagné la manifestation, les protestataires ont embrasé plusieurs bâtiments gouvernementaux. Les habitants ont expliqué à IRIN que plus tôt au cours de la manifestation, des jeunes avaient endommagé des propriétés du gouvernement, mais que ce n’est qu’une fois que les forces de l’ordre ont ouvert le feu que les manifestants ont commencé à commettre des actes de vandalisme généralisé. Un homme âgé de 30 ans qui, selon les témoins, ne figurait pas parmi les protestataires, est décédé d'une blessure par balle.
Dans un communiqué daté du 24 décembre, le ministère sénégalais de l’Information a déclaré que le gouvernement avait ouvert une enquête sur les événements. Le gouvernement a déploré les décès survenus et présenté ses condoléances aux familles éplorées, et « s’engage à faire toute la lumière sur ces événements, dans un esprit de transparence et de justice », est-il stipulé dans la déclaration.
Selon le communiqué, 23 manifestants, 10 gendarmes et deux soldats ont été blessés. Les autorités ont déclaré que plusieurs armes avaient disparu au cours des émeutes ; au lendemain des événements, la police a commencé à perquisitionner les domiciles et à procéder à des arrestations.
Un homme a expliqué à IRIN qu’il avait été arrêté chez lui alors qu’il se trouvait à table avec des membres de sa famille, et avait été battu avant d’être libéré quelques heures plus tard.
Âgé de 40 ans, l’homme a affirmé que les gendarmes sont entrés chez lui, ont demandé à parler à quelqu’un, et ont perdu leur calme lorsque la famille a affirmé que la personne était absente. « Un moment, je me suis levé pour aller faire quelque chose dans la pièce voisine ; ils m’ont alors empoigné par le col en me disant que je n'étais pas autorisé à me lever ».
L’homme a déclaré qu’il avait été battu durant plus heures au cours de sa détention. « Ils m’ont frappé sur le visage, le cou, le corps tout entier. Ils m’ont frappé les pieds pour m’obliger à m’allonger par terre. L’un d’entre eux s’est tenu debout sur mon torse… Ils m’ont versé de l’eau chaude sur le visage et le torse, et m’ont frappé avec la crosse d’un fusil ».
Lorsque les arrestations ont commencé, plusieurs dizaines de jeunes ont quitté la ville, d’après l’homme qui a passé deux jours dans la brousse en compagnie d'autres jeunes déplacés.
« Les personnes qui procédaient aux arrestations ne cherchaient pas à savoir qui les habitants étaient ou s’ils étaient coupables de quoi que ce soit », a-t-il affirmé.
Selon lui, les jeunes terrés dans la brousse ont vécu essentiellement de pain et de biscuits apportés par les habitants de la ville de Kédougou ou des villages environnants. L’homme a ajouté que plusieurs jeunes avaient traversé la frontière située non loin pour entrer en Guinée.
Les habitants de Kédougou ont expliqué à IRIN que depuis le 1er janvier, la vie retrouvait progressivement son calme, mais que les habitants, notamment ceux dont les proches sont toujours en détention, avaient peur. Les 26 personnes qui auraient été arrêtées ont été transférées dans la région voisine, Tambacounda, car les infrastructures judiciaires de Kédougou ont été détruites.
Daouda Diop, porte-parole de la gendarmerie nationale, a affirmé à IRIN qu'à Kédougou, les autorités faisaient leur travail « dans les règles », conformément à la législation. Selon lui, « les recherches sont menées conformément aux réglementations et avec le consentement des personnes sur les lieux. Il est normal que nous recherchions [ces] armes [manquantes] pour garantir la sécurité publique », a-t-il ajouté.
Concernant les accusations de violation des droits de l'homme, M. Diop a affirmé : « je demande à toutes ces organisations [à l’origine des accusations] d’aller sur place [à Kédougou], pour constater d’elles-mêmes ce qui s'y passe. »
Dans son communiqué, le ministère de l’Information a déclaré que le gouvernement se réjouissait de la participation des leaders religieux, des représentants des communautés, des jeunes et des autorités pour rétablir le calme.
IRIN, np/sab/cb/db/ail
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